Paris-Dakar

Réalisé par
Charles-Antoine de Rouvre
Documentaire de 52' - Format : 1.33 - Audio : Stéréo

« Voyager, ce n’est pas arriver, c’est parcourir le chemin » (Stevenson)

« Départ à destination de… » La voix suave de l’hôtesse d’aéroport égrène des noms de villes aux quatre coins du monde. Partir, c’est presque devenu banal ; facile en tout cas. Il suffit de grimper à bord d’un long-courrier et… nous voici projetés dans un autre monde, un de ses autres bouts. À peine le temps de lire quelques chapitres, surtout de Proust ; à peine l’occasion de se regarder un ou deux films, même si jamais nous n’irions les voir en salle… Décollage, atterrissage : un raccourci dans l’espace-temps.

Le débarquement est brutal. La planète, devenue toute petite. Et toujours ce choc à l’ouverture des portes de l’aéroport. Un mélange d’impatience et d’angoisse. Sans ménagement, sans transition, nous voici bousculés dans un autre univers. Plus de temps pour habituer le corps ou l’esprit. Plus de temps pour s’imprégner progressivement des paysages ou des hommes. Plus de parcours pour arriver à destination. L’objectif, c’est désormais d’arriver. Dommage pour le voyage…

Le transport aérien est à l’image de notre monde : efficacité, rapidité. Certes, depuis un siècle, l’avion a d’un côté rendu accessibles les coins les plus reculés de la planète, mais de l’autre il a affadi le plaisir de s’y rendre. Il n’y a plus ce voyage, juste un cocon de métal et de plastique hors de tout. Il n’y a plus ce défilement des paysages qui changent, se transforment petit à petit à chaque kilomètre qui passe. Il n’y a plus ce chemin qui permet aux yeux de s’habituer aux couleurs, aux oreilles de sentir les sons évoluer. Il n’y a plus cette perspective lointaine où la route laisse à l’esprit le temps de divaguer, de s’inventer un monde. Il n’y a plus d’aventures, même si on n’est pas aventurier…

Alors quand une nouvelle route terrestre s’annonce, je bondis. Surtout quand elle permet de relier simplement des mondes qui n’ont rien à voir, de traverser autant d’univers… Paris-Dakar : pari bitume. Depuis bientôt un an, l’Europe est à portée de roues de l’Afrique noire. Et pas n’importe quelles roues. Les nôtres, les vôtres, les miennes. Pour rejoindre Dakar, c’est tout simple : il suffit de prendre sa voiture de tous les jours, de démarrer au coin de la rue, et de prendre la direction du sud. Depuis bientôt un an, la portion entre Nouadhibou et Nouakchott en Mauritanie est recouverte de cet enduit de bitume si pratique et familier. Le dernier obstacle qui réservait le trajet aux baroudeurs est levé. L’occasion est trop belle.

Rejoindre Dakar par la route, c’est retrouver cette approche du voyage que j’aime tant. Celle où l’on voit, où l’on sent, où l’on entend, la nature, les visages, les vêtements, les langues changer. Celle où l’on parcourt à nouveau le chemin, où l’on retrouve l’itinérance, et où l’on peut à nouveau comprendre. Presque une renaissance. Et lorsqu’en plus cette renaissance se conjugue à une révolution, il y a plus à découvrir, à témoigner. Cette révolution, ce bitume qui tend un nouveau pont entre l’Europe et l’Afrique, doivent être explorés. Voilà une route qui rapproche trois univers, presque trois continents. Voilà la route qui permet de traverser de l’Europe au Maghreb, du Maghreb à l’Afrique. Un nouveau parcours plein de promesses pour ceux du Nord comme ceux du Sud, pour les voyageurs comme moi, ou les habitants comme eux : un nouveau voyage, une nouvelle communication, un nouveau lien de vie, lien d’échange ; un nouveau chemin pour les hommes.

Je conçois donc ce voyage et ce film, comme une itinérance et un témoignage. Une itinérance qui sera celle des découvertes, sans objectif préconçu, sans thème prédéfini à part justement celui du voyage ; un témoignage qui sera celui du lien, de l’attirance, de l’attraction qu’exercent pour tous ce nouveau lien de bitume, des changements qu’il provoque ou induit, dans sa globalité comme à chaque kilomètre de son tracé. Un mélange : des rencontres programmées et des moments inattendus sur la route ou dans ses à-côtés. Pas de thème mais des thèmes : ceux que soulèvent un regard qui s’attarde par envie, intérêt ou curiosité sur certains aspects, sur certaines étapes du voyage.